International Revolutionary Youth Camp

La IVe Internationale et les mouvements LGBT

lundi 11 août 2008 par Antoine

Le degré d’avancement des dernières résolutions de la IVème Internationale concernant le mouvement LGBT promulguées en 2003 montre que les questions LGBT doivent occuper une place décisive au sein du programme de la gauche révolutionnaire.

L’hétérosexisme est une idéologie dominante à l’échelle internationale, qui traverse les différentes catégories sociales et se retrouve dans tous les domaines de la vie, de la sphère économique à la sphère culturelle. Les lesbiennes, gays, bi et transsexuels sont de fait victimes d’une forte marginalisation et ségrégation au sein des sociétés capitalistes actuelles, où l’hétérosexualité est la norme universelle. On peut noter que d’un point de vue législatif, il n’existe aucun pays au monde où les personnes homosexuelles jouissent des mêmes droits que les personnes hétérosexuelles.

1. Hétérocentrisme et hétérosexisme : un modèle politique violent lié à l’organisation économique de la société

L’hétérosexisme a partie liée au sexisme en ce que ces deux modèles normatifs ont notamment pour fonction de pérenniser et de maintenir la famille, en tant qu’institution utile au capitalisme en ce qu’elle permet la reproduction de l’idéologie et de la force de travail. Afin de maintenir l’ordre social basé sur le modèle de la famille nucléaire (parents hétérosexuels avec enfants), la société impose un certain nombre de normes liées au genre, qui sont naturalisées par l’idéologie dominante. Ces normes se basent sur des caractères physiques (les parties génitales) afin de classer les individus de manière autoritaire dans une des deux catégories prédéfinies : homme ou femme. De cette appartenance imposée à l’individu comme fait indiscutable découlent un certain nombre d’attentes : chacun est amené à se comporter conformément à ce qu’on lui dit être son sexe. Les normes de genre sont donc d’une très grande violence en ce qu’elles touchent au corps et à l’intimité de l’individu, elles imposent des codes sociaux et des impératifs moraux sur la base d’éléments très privés que sont la forme du corps, des parties génitales, et l’attirance sexuelle des individus. Ces normes ont pour effet d’influencer les rapports que chacun entretient avec soi-même, avec sa propre image, son corps et sa sexualité. L’imposition de ces normes est donc un très bon moyen de contrôle de la société dans son ensemble, car elle se fait au cœur de l’individu, et permet de maintenir le statu quo de la domination économique ; il s’agit en fait véritablement d’un instrument politique.

L’institution familiale étant antérieure à l’entérination du système capitaliste, la fin du capitalisme ne garantie pas nécessairement l’abrogation des normes du modèle familial hétéronormé. Trotski a pu dire à propos du pouvoir stalinien que celui-ci n’avait pas besoin de police étant donné qu’il s’appuyait déjà sur des milliers de familles ; ce qui montre que la famille, antérieure au capitalisme, peut être le support de diffusion d’idéologies politiques différentes, et que l’avènement du communisme ne garantie pas nécessairement la fin des normes sexuelles autoritaires et des ségrégations contre les femmes et les LGBT. Voilà pourquoi il convient d’être particulièrement vigilant face aux normes que nous avons plus ou moins intériorisées, et de faire des luttes des LGBT pour être reconnus une priorité.

La famille, qui était la cellule de base de reproduction du modèle capitaliste, a connu de nombreux changements dans les sociétés occidentales au cours du XXème siècle. Avec la normalisation des mariages basés sur les sentiments et le choix individuel, la montée du travail féminin, et la démocratisation du divorce, la sphère familiale a connu de profondes modifications et a eu à assumer de nouvelles fonctions, différentes de celles des familles de la Révolution industrielle. Le mariage et la vie de couple sont désormais davantage liés à des choix de vie individuels que par le passé, voilà pourquoi le mouvement LGBT a pu peu à peu s’imposer dans la sphère politique et sociale afin de revendiquer et de proposer de nouvelles formes de vie familiale. Dans les pays du « Sud », où la dépendance économique des individus à la sphère familiale reste importante, l’indépendance des femmes est très réduite et l’intolérance vis-à-vis des homosexuels est plus forte dans les mentalités et d’un point de vue légal. L’homophobie des pays anciennement colonisés est en fait un héritage des sociétés capitalistes colonialistes, elle découle de la culture européenne, même si l’homosexualité est aujourd’hui souvent assimilée dans ces pays à une déviance venue du colonisateur.

2. Le mouvement LGBT radical : pour la déconstruction du genre et contre la « normalisation » sociale des homosexuels

Les pays occidentaux apparaissent donc, du point de vue des mentalités, comme plus « avancés », car plus tolérants ou permissifs envers les homosexuels. Cependant, cette évolution des mœurs et des mentalités doit être suivie avec vigilance. La visibilité accrue des LGBT est en soi une bonne chose en ce qu’elle permet de remettre en cause les normes de genres que la société impose depuis des siècles ; mais il faut voir que la « normalisation » progressive de la présence des LGBT est en fait une intégration ou une absorption par le modèle capitaliste et patriarcal de personnes ou de mouvements qui étaient susceptibles de le mettre en danger, mouvements qui perdent par là-même leur caractère subversif. Cette normalisation par le système permet d’empêcher la remise en cause les structures plus profondes de la société que sont le système économique et le système de classification sexuelle des individus. L’accès au droit des homosexuels est un processus d’apaisement social qui permet de sauvegarder la morale et les normes hétérosexuelles : en acceptant les homosexuels, en leur donnant de nouveaux droits, elle les catégorise, elle les différencie du reste de la société, les distingue du reste de la population, des hétérosexuels devenus « tolérants ». Les transformations législatives, mêmes si elles représentent un progrès, ne permettent pas néanmoins d’effacer les catégorisations sexuelles. Le risque qui se dessine aujourd’hui est que le mouvement LGBT devienne une « mode » utilisée par le système social qu’il souhaitait remettre en cause. On voit déjà que le « consommer gay » émerge à destination des consommateurs masculins occidentaux, et que ce nouveau mode de consommation reproduit les inégalités sociales, puisqu’il s’adresse aux hommes blancs des pays développés bénéficiant d’une certaine aisance financière. Le mouvement risque donc d’être utilisé comme outil de consommation et d’enrichissement au profit des rapports de pouvoir en place. Le mouvement institutionnel de revendication pour les droits des LGBT doit donc s’accompagner d’un mouvement plus radical, basé sur des remises en cause idéologiques et théoriques plus fondamentales. Si les étiquettes liées à l’attirance sexuelle que sont les termes « homosexuel », « bisexuel » ou « hétérosexuel » sont utiles pour porter les revendications sexuelles des individus marginalisés au sein des sociétés traditionnelles, il faut également apprendre à s’en méfier. Il faut veiller à ne pas mettre en place de nouvelles catégories indépassables pour l’individu, déjà prisonnier de la classification entre « homme » et « femme ». Le risque est que la société ajoute simplement une nouvelle classification à son panel afin d’enserrer les individus dans des catégories toujours plus précises et personnelles. Créer une nouvelle catégorie institutionnalisée serait faire peser un nouveau poids sur l’individu, une nouvelle fois amené à se définir par restriction. La création de minorités nouvelles et visibles ne garantira pas le sentiment de liberté individuelle pour ces minorités, bien au contraire. Les étiquettes « homo- » et « hétérosexuel » sont elles-mêmes le fruit d’une catégorisation médicale du XIXème siècle qui a légitimé les poursuites des médecins à l’encontre des personnes homosexuelles et a ouvert la voie à la punition de ces personnes par la loi. De manière générale, la démocratisation des représentations, souvent restrictives ou caricaturales, des LGBT dans la société, a pour effet de renforcer les catégories de genre. La société capitaliste et patriarcale cherche à se refonder sur des normes renouvelées, à peine modifiées par l’avènement des gays et des lesbiennes.

La preuve de cette utilisation de la catégorisation comme moyen d’organisation sociale et de maîtrise de la société est l’embarras de nos sociétés face à des individus dont l’identification de genre est impossible ou difficile, comme les transgenres, ou, bien plus encore, les intersexes. La volonté de masquer l’existence réelle de personnes qui n’entrent pas dans les catégories prédéfinies d’homme ou de femme selon les critères physiques implique aujourd’hui le maintien d’une violence rare, et institutionnalisée, à l’encontre de ces personnes. Les enfants qui naissent avec des organes sexuels mal définis au regard des normes en place, et qui représentent, selon les chiffres allemands, pas moins de 2% des naissances, sont en effet victimes de mutilations sexuelles assumées par le corps médical et/ou les parents. Par exemple, un enfant qui naît avec un pénis jugé trop petit est opéré de façon à avoir un organe génital en apparence féminin. Il est donc ouvert et, afin d’éviter que l’orifice ainsi formé ne se referme, il sera de la responsabilité du corps médical ou des parents d’y introduire une sonde de façon régulière. Il s’agit bien en réalité d’un viol infligé au petit enfant au nom de normes culturelles et arbitraires. Un médecin américain responsable de ces opérations a ainsi déclaré qu’il préconisait la transformation chirurgicale des micropénis en vagins pour les raisons suivantes : un individu qui naît avec un pénis qui ne lui permettra pas de « pisser debout » ni de pénétrer une femme ne peut être considéré comme un homme, et doit par conséquent être opéré. A cette violence physique initiale dont est victime le petit enfant s’ajoute la contrainte de la prise d’hormones à vie afin que l’individu corresponde aux yeux de tous au sexe qu’on lui a assigné. C’est donc une violence permanente qui est infligée à ces individus dont on gomme les caractéristiques propres et individuelles afin de ne pas remettre en cause les normes de genre sur lesquelles repose la société.

Les revendications des mouvements LGBT radicaux doivent s’appuyer sur la prise en compte de la diversité de fait des individus, qui va bien au-delà du binarisme de genre entre féminin et masculin. L’humanité est porteuse de bien plus de variations et richesses en termes de genre que ce qu’impose la société. En s’appuyant sur ces données fondamentales et sur les outils délivrés par la théorie Queer, le mouvement LGBT doit prôner, d’une part, l’idée d’une identité personnelle en mouvement permanent, qui ne laisse pas réduire ni cloisonner par les catégories génériques d’homme, de femme, d’homosexuel ou d’hétérosexuel, et, d’autre part, doit concevoir, à terme, la disparition de ces catégories et l’avènement d’une société où la définition identitaire relèverait en première instance du choix de l’individu. De même que la IV prône le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, il lui faut se prononcer en faveur de l’auto-détermination des individus en termes de genre et d’identité sexuelle.

La question des LGBT est donc avant tout une question politique, qui nous concerne tous. Il nous faut être conscient que le binarisme des genres est une idéologie sur laquelle se fonde la société capitaliste contre laquelle nous luttons. Le sexisme et l’hétérosexisme sont des préjugés qui permettent le maintien de relations de domination, essentiellement à des fins économiques. Il revient donc à chacun de faire un travail sur soi afin de se défaire de ces normes que la société nous impose. Dans les luttes aujourd’hui, il faut mettre en avant des revendications radicales qui ont pour effet de remettre en cause le binarisme des genres. Il convient de lutter contre la normalisation des homosexuels dans la société, de revendiquer pour eux la différence, et non l’égalité, qui gommerait le caractère subversif de leur visibilité sociale. Il faut veiller à ce que ces luttes ne soient pas réduites ou étouffées par l’acquisition de quelques droits, qui ne remettraient pas en cause le statu quo des dominations de genre. Les luttes LGBT doivent au contraire être un outil permettant la remise en cause de la norme, car c’est cette norme qui opprime aujourd’hui des milliards d’individus dans le monde.


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